Souvent, nous considérons comme un fait acquis que, avant de commencer une étude sérieuse de l'architecture, il faut donner une définition complète et claire de son concept. Karl Popper a déclaré que chercher l’essence des choses est un travail plutôt métaphysique que scientifique. Mais les définitions sont utiles dans tous les domaines de la science et de l'art, et cela c'est une chose que personne ne pourra nier. La clé c’est ne pas oublier que les concepts font partie des théories ; un concept appartient toujours à un cadre théorique. En d’autres termes, quand nous choisissons un concept d'architecture établi par un des architectes de renom, nous choisissons aussi la philosophie ou l'hypothèse sur laquelle celui-là est fondé. Le cas n'est pas différent quand nous croyons que nous venons de concevoir une définition propre ; souvent, nous oublions que nous vivons dans une société qui nous enseigne continuellement avec des concepts religieux, philosophiques ou scientifiques ; même les simples relations amicales encouragent l'échange d'idées. Bien sûr, il est exact de dire que nous avons des idées ou des concepts propres de moment que notre contribution à la société consiste surtout à donner variété au point de vue duquel les objets sont observés. Le problème surgit lorsqu'on tente d'établir nos concepts en tant que la meilleure perception de la réalité.
Certains de ces architectes de renom ont préféré ne choisir aucun concept d'architecture ; ils disent qu'ils essayent de travailler avec la réalité telle qu’elle est. Ils supposent que la manipulation directe d'objets permettra de tirer les idées dont ils ont besoin pour créer des dessins ou des projets originaux. Mais même cette approche pragmatique c’est une conception du problème, c’est-à-dire un cadre théorique, une théorie ; appelez-la comme vous voulez, sceptique ou empirique. Ceci est la raison pour laquelle les critiques d'art insistent sur l’étude des concepts inconscients qu’ils pourraient déduire des œuvres, un point conceptuel de départ qu’ils pourraient révéler. Mais les études qui mettent l'accent sur les qualités des œuvres architecturales sont très souvent tentées d'ignorer le débat philosophique et scientifique puisqu’ils sont seulement intéressés aux jugements de valeur, ne pas aux discours théoriques objectifs. C'est en ce sens qu’un critique comme Giulio C. Argan soutenait la thèse que tout dans l’art est toujours lié à des jugements de valeur ; autrement dit, selon Argan, la critique d'art est nécessairement subjective, car elle est une question de goût. Faisant écho à cette opinion si répandue, Charles Jencks a également souligné les aspects symboliques de l'œuvre architecturale, et le talent du critique pour interpréter les œuvres en se basant sur un lyrisme critique et le goût.
Au fond, ce n'est rien d'autre que le vieux débat médiéval entre les Franciscains et les Dominicains. Seule la forme a changé : on discute encore sur la meilleure façon d’appréhender la réalité. Ainsi, le refus de la population de continuer à rechercher la vérité est compréhensible. Mais, il y a un argument que nous devrions examiner avant de prendre une décision radicale. La société a divisé le travail, nous a qualifiés pour mener des activités qui aident à satisfaire nos besoins de base. Cette organisation sociale nous a aidés à développer ce que nous appelons la condition humaine, à savoir notre capacité à produire en tant que groupe d'individus des objets physiques et mentaux non existants dans la nature. Ces capacités ou talents sont différents d'un individu à l'autre, il est donc absolument nécessaire de partager les responsabilités dans le travail d'équipe. En architecture, nous vivons aujourd'hui une division entre ceux qui préfèrent travailler comme des architectes traditionnelles et ceux qui préfèrent s'arrêter pour voir ce que nous pouvons faire de plus afin de participer au développement de nouvelles capacités. Ceci est la raison pour laquelle une étude architecturale qui a l'intention d'exercer une critique rigoureuse, de pratiquer l'objectivité en tant que moyen d'établir le degré de vraisemblance des théories, ne peut pas ignorer les débats au sein de la philosophie et de la science, ainsi que de l'art.
*Publié originellement en Architectural Approach, sous le titre On the Subject of Critique and Criticism